Le vallon de l'Ermitage, petite histoire
(par Yvette Gern)
Un peu d'histoire d'eau !
Vers le milieu du XIXe siècle, on s'était rendu compte que sans un apport nouveau d'eau potable le développement de la Ville était gravement compromis.
Seuls alors des sources, captées sous les vignes des Parcs et accumulées dans une chambre d'eau au Prébarreau,
alimentaient depuis le moyen âge les rares fontaines que Neuchâtel comptait alors.
Les maisons isolées devaient se contenter de puits, forés à grands frais et d'un débit précaire.
Une prospection systématique dans les environs de Neuchâtel amena la découverte, près de Valangin, d'une source assez abondante
pour justifier les frais de son captage et de son amenée en Ville, au moyen d'un aqueduc de plusieurs kilomètres.
Une concession fut accordée à la Société des Eaux de Neuchâtel qui se chargea de l'opération, moyennant engagement pris
de distribuer équitablement le précieux liquide dans les principaux quartiers de la Ville.
L'aqueduc aboutissait à Maujobia, d'où des canalisations partaient dans différentes directions.
L'une d'elles emprunta la route de Valangin, celle que nous appelons rue de la Cassarde, puis du Rocher.
Des fontaines furent établies à son voisinage; l'une, au carrefour du chemin du Pertuis-du-Sault, en face de l'actuelle chapelle,
fut construite en 1869, aux dépens de la propriété de Madame Joseph Elser, cette dernière contribuant à son érection pour la somme de deux cents francs.
Il était tentant d'utiliser cette nouvelle force motrice à des fins industrielles. Le 11 février 1868,
la commune de Neuchâtel vendit aux quatre petits-enfants de feu le banneret Jean de Merveilleux une parcelle de terrain vague,
en bordure de la route et au voisinage immédiat du réservoir que faisait édifier, en cet emplacement, la Société des Eaux.
Une scierie, actionnée par une turbine électrique, y fut alors installée par la Société Albert de Merveilleux et compagnie, créée à cette fin.
Cette entreprise pourtant ne connut pas le succès qu'en attendaient ses promotteurs: vers 1873 déjà l'exploitation cessa.
Le domaine Merveilleux se partagea.
La partie sud fut cédée par Jean-Louis de Merveilleux et sa soeur Julie-Marie à Madame Charles-Joseph La Trobe, déjà citée (28 avril 1875),
alors que l'ancienne scierie et une maisonnette servant de bureau étaient vendues quelques mois plus tard par Albert de Merveilleux,
frère des précédents, à la même Madame La Trobe (25 août 1875).
Dans la nuit du 4 au 5 septembre 1876, le feu consuma la scierie hors d'usage, devenue hangar,
épargnant le cabinet de bois qui devait survivre jusqu'en 1930, après avoir abrité, de longues années,
l'atelier d'un vannier (il était accolé alors à l'angle sud-est de la chapelle, dont il alourdissait fâcheusement la silhouette).
(La Chapelle de l'Ermitage à Neuchâtel l878-l978, par Alfred Schnegg)
Fritz Gern travailla dans une scierie à la rue du Rocher qui brûla le 5 septembre 1876.
Dans la FAN du 05.09.1876 on pouvait lire:
La nuit dernière les habitants de Neuchâtel ont été désagréablement réveillés par le tocsin:
à minuit le feu consumait rapidement l'ancienne scierie du banneret Jean de Merveilleux à la Cassarde;
depuis quelques années, cette construction, qui était en bois, servait d'atelier de charpentier.
Rien n'a pu être sauvé.
Cette scierie fut construite en 1866, par MM. Albert de Merveilleux et A. Ritter, au bas de la propriété de M. Jean de Merveilleux
où il n'y avait jusqu'alors que trois tilleuls.
Cette scierie a été achetée le 30 juin 1874 pour le prix de 48'500 francs par Mme Rose La Trobe née de Montmollin, de Londres, puis incendiée.
Le site et son histoire
Jusqu'à la fin du XVIIIème siècle, la Ville de Neuchâtel vivait repliée sur elle-même, dans un périmètre restreint
que délimitaient tours et portes.
Au-delà s'étendaient des vignes, principale richesse de ses habitants.
De modestes chemins, dont certains seulement étaient carrossables, assuraient la communication avec d'autres localités.
Vers 1780, grâce à la munificence de David Purry, on construisit une route « moderne », partant de la porte des Chavannes et se dirigeant vers Valangin.
Pour en adoucir la pente, on lui donna une forme coudée, la menant vers le nord-est pour la diriger ensuite vers l'ouest,
à travers les terroirs de vigne dits des Rochettes et des Cassardes:
elle aboutissait au Plan où elle retrouvait l'ancien chemin pavé escaladant directement la pente (l'actuel chemin des Pavés).
Au long de ce parcours, cette nouvelle route recoupait des chemins traditionnels.
L'un d'entre eux, partant également de la porte des Chavannes, menait au vallon du Pertuis-du-Sault, puis à Chaumont,
en traversant une petite cluse naturelle qui lui valut son nom.
La route elle-même était dominée par deux arêtes rocheuses et stériles, appartenant à la Ville,
la Grande (à l'est) et la Petite Cassarde (à l'ouest).
Dans l'angle formé par l'intersection de la route et du chemin du Pertuis-du-Sault, au pied des rochers de la Petite Cassarde,
se trouvait un terrain pierreux et inculte, celui-là même où s'élèvera plus tard la chapelle.
En 1794, le conseiller d'Etat Abel-Charles de Bosset requit des autorités de la Ville sa cession à bail perpétuel (acensement)
pour y construire une maison où devaient loger ses vignerons.
Le terrain en question était marqué alors par la présence de deux tilleuls.
Il fut consenti à cette demande l'année suivante, avec cette précision que l'emplacement cité serait dûment délimité.
Gêné dans ses affaires, Bosset vendit ses propriétés quatre ans plus tard.
L'acquéreur de la parcelle en question (elle comptait alors quatre ouvriers, soit l'équivalent de 1400 mètres carrés)
fut un négociant de Neuchâtel, Jonas-Pierre Varnod ou Warnod, qui l'acheta pour cent francs tournois (29 août 1799).
Ce Varnod, ferblantier de son état et marchand de vin, projetait alors une entreprise considérable et nouvelle pour l'époque:
la construction au bord du lac, à l'emplacement du monument de la République, d'un établissement de bains chauds et froids, à l'usage du public.
Le terrain du Pertuis devait lui fournir la pierre nécessaire.
Les bains furent effectivement édifiés; ils durèrent même jusqu'en 1851, sous le nom de Bains Warnod.
Mais le constructeur, ruiné dès 1802, dut quitter Neuchâtel.
Il mourut en France, où se continue sa postérité.
Les créanciers de Jonas-Pierre Varnod vendirent sa carrière à Louis Péter, membre du Grand Conseil de la Ville de Neuchâtel
(23 juin 1802), qui l'aliéna à son tour (21 septembre 1824) au profit des copropriétaires du domaine Merveilleux,
au vallon du Pertuisdu-Sault.
C'étaient Jean de Merveilleux, banneret et membre du Petit Conseil de la Ville,
Samuel-Henri, conseiller d'Etat et châtelain de Thielle, Charles, membre du Grand Conseil, et leur sceur Julie-Charlotte.
L'acquisition avait été motivée par le désir qu'une carrière ne fût pas rouverte en cet endroit.
L'hoirie Merveilleux possédait donc alors l'ensemble des terrains s'étendant de l'orée de la forêt au voisinage
de la nouvelle route, par dessus les rochers de la Petite Cassarde.
A l'exception pourtant d'un verger d'une pose et demie (soit 4050 mètres carrés), enclavé par le chemin du Pertuis-du-Sault
en son embranchement occidental (l'actuelle rue Charles-Knapp), d'une part, la propriété Merveilleux de l'autre.
Appartenant à une Dame Marguerite Wyss, née Hà¼geli, ce lopin fut acquis, le 6 septembre 1841, par le pasteur
Alphonse-Claude-Louis de Perrot, lequel, en 1843, y édifia une maison d'habitation qu'il nomma L'Ermitage, et où il se retira.
Le fait n'est pas sans importance dans cette histoire, car c'est à l'Ermitage du pasteur Perrot que la chapelle doit son nom,
et la maison même de Perrot est actuellement le foyer pastoral du quartier.
Pertuis-du Sault 40
Quand Claude-Louis de Perrot mourut le 17 janvier 1874, le Comité responsable de la fondation mit en vente l'Ermitage par voie
d'enchères publiques, Mme Charles-Joseph La Trobe, alors domiciliée près de Londres, s'en rendit acquéreur le 30 juin 1874.
Et voici la seconde maison appartenant jadis à Monsieur De Pierre, aujourd'hui occupée en logements locatifs.
Pertuis du Sault 42
Le vallon du Pertuis-du-Sault (Pertuis du soc, appelés dans les actes anciens Pertuis du soth, ce mot soth
dans DuCange signifie un parc à brebis ou un bois).
En langue celtique, sô = brebis, ce serait donc le trou ou passage des brebis.
Lors de l'établissement du cadastre, l'orthographe Pertuis du Sault a prévalu (saltus, forêt).
On traduit aussi Pertuis du soc, le sillon de la charrue.
Mais l'étymologie la plus naturelle paraît être pertusum saltûs, trou, défilé de la forêt qu'une voie romaine traversait).
(QLT, I, p. 315)
Le vallon du Pertuis-du-Sault, alimenté longtemps par des puits, l'est en 1895 par les eaux des gorges de l'Areuse
dans la canalisation faite par la ville.
La petite fontaine qui s'y trouve ne coule guère qu'à la fonte des neiges.
Autrefois c'était une scierie utilisée comme dépôt de bois.
Elle brûla et fut remplacée par la chapelle de l'Ermitage.
Le vallon de l'Ermitage Yvette Gern, descendante de Fritz Gern
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